Reconnaître, Évaluer et Référer

Reconnaître

Les troubles mentaux se manifestent sous différentes formes et devraient être pris en compte dans le cadre d'une anamnèse de routine.

Un trouble mental devrait être envisagé si un des signes suivants est observé par le personnel médical, le personnel d'entraînement et d'équipe, des coéquipiers ou des membres de la famille :

  • Baisse du fonctionnement : performance sous la normale sans explication physique
  • Repli : repli sur soi et perte d’intérêt pour autrui
  • Apathie : perte d'initiative ou de l'envie de participer à toute activité
  • Comportement inhabituel : comportement étrange, anormal, singulier
  • Les coéquipiers signalent que « quelque chose ne tourne pas rond »
  • Exagération des symptômes d'une blessure ou surprotection
  • Modification de l'appétit ou du poids (manger beaucoup plus ou beaucoup moins) et/ou soin personnel déficient
  • Surconsommation d'alcool, de drogues, d'analgésiques
  • Lent rétablissement après blessure sans explication physique

Si un joueur signale un des symptômes suivants, un trouble mental devrait également être envisagé dans le cadre d'un diagnostic différentiel :

  • Troubles du sommeil : trop ou pas assez
  • Problèmes de concentration et de mémoire
  • Sautes d'humeur : changements soudains ou spectaculaires des sentiments et / ou déferlement émotionnel inhabituel
  • Sentiment de désespoir, d’inutilité, de culpabilité ou dépressif persistant
  • Nervosité : peur ou méfiance d'autrui ou angoisse
  • Sensibilité exacerbée en général : sensibilité visuelle, auditive, olfactive ou tactile accrue
  • Pensées absurdes/inhabituelles (par ex. avoir des pouvoirs, pensée magique)
  • Changements dans le ton et l'élocution du discours
  • Détachement : le vague sentiment d’être déconnecté de soi-même ou de son environnement; un sentiment d'irréalité

 

Évaluer

Il est important de réaliser une consultation sur la santé mentale, avec le consentement du joueur, dans un environnement privé et confidentiel où le joueur sait que sa conversation ne sera pas entendue par d'autres. Vous devez informer le joueur que l'objectif de la consultation est de parler de sa santé mentale et de l'aider à obtenir un soutien si nécessaire. Vous devez rassurer le joueur sur l'aspect confidentiel de la consultation et lui expliquer que toute information sera conservée en sécurité et sera uniquement accessible aux personnes dûment autorisées.

Souvenez-vous que le tabou entourant les troubles mentaux est tel que les joueurs auront peut-être du mal à s'exprimer ouvertement ou à confier à autrui des informations sur leur santé mentale. Il est indispensable de créer un environnement reposant sur la confiance, la confidentialité et la coopération. Notez en outre que rien n'oblige un joueur à répondre à vos questions sur sa santé mentale et que souvent plusieurs troubles mentaux sont concomitants.

Antécédents

Il est essentiel de faire une anamnèse, comme pour toute affection médicale. Les questions suivantes peuvent guider cette anamnèse :

  • Comment vous sentez-vous ces derniers temps ?
  • Au cours du mois écoulé, comment noteriez-vous sur une échelle de 1 à 10 (10 étant le score le plus élevé) comment vous vous êtes senti envers :
    • Votre bien-être personnel
    • Le rugby
    • Vos relations (familiales, sociales)
    • La vie en dehors du rugby

Des questions d’évaluation spécifique et une anamnèse clinique incluraient :

  • Souffrez-vous ou avez-vous souffert de troubles mentaux par le passé ?
  • Avez-vous des antécédents d'automutilation ou de tentatives de suicide ?
  • Vous mutilez-vous actuellement ? Si oui, voir * ci-dessous
  • Pensez-vous à vous blesser ou à vous suicider, ou à blesser ou tuer les autres ? Si oui, voir * ci-dessous
  • Ave-vous récemment vécu un évènement de vie significatif tel que le décès d'un proche, des problèmes familiaux ou dans le rugby ?
  • Au cours du mois écoulé, avez-vous eu des soucis à propos de :
    • Difficultés de concentration ou de mémoire
    • Problèmes d'alimentation ou de poids : trop ou pas assez
    • Sensibilité exacerbée à la lumière, auditive ou tactile
    • Rétablissement tardif suite à une blessure, prenant plus de temps que prévu
    • Préoccupation ou agitation
    • Consommer davantage d'alcool, prendre des médicaments pour se détendre ou dormir
    • Prendre des analgésiques ou des drogues
    • Parier plus que d'habitude
    • Est-ce que certains de vos coéquipiers ont observé que votre comportement est inhabituel ?
    • Se sentir moins sociable que d’habitude
    • Sentiment de désespoir, d'inutilité, de culpabilité ou dépressif persistant
    • État d'exaltation, dépressif ou sautes d'humeur
    • Pensées absurdes ou inhabituelles (par ex. super pouvoirs, pensée magique)
    • Voir, entendre ou sentir des choses qui n'existent pas selon les autres.

Si le joueur répond oui à n'importe laquelle de ces questions, un trouble mental doit être envisagé et si indiqué, proposez-lui de consulter un professionnel de la santé mentale.

Une liste d'outils d'évaluation est également jointe en annexe à ce module. Ces outils peuvent vous aider à approfondir avec le joueur la nature et l'étendue de tout problème possible de santé mentale.

 

Référer

Si vous adressez le joueur à un professionnel de la santé mentale :

  • Le joueur doit consentir à cette consultation
  • Vous devez aider le joueur à consulter le professionnel de santé mentale
  • Fournir une lettre d'envoi résumant vos conclusions cliniques
  • Confirmer un contact ou un rendez-vous de suivi

Vers qui référer

Le niveau d'intervention requis pour un joueur dépendra habituellement de la nature et de la gravité de ses symptômes. Des interventions peu intensives telles que la psychoéducation et le développement personnel accompagné sont accessibles pour des problèmes légers de santé mentale (par ex. dépression légère ou infraliminaire sans idées suicidaires). Des interventions plus intensives telles que la thérapie cognitivo-comportementale et/ou un traitement médicamenteux sont utilisées dans les cas légers à modérés, avec soins psychiatriques en milieu hospitalier pour les troubles mentaux les plus graves.

Un psychologue ou psychiatre clinicien est souvent mieux placé pour conduire une première évaluation ou examen de troubles mentaux et donner des instructions quant aux prochaines étapes à suivre. Votre Fédération, club ou association de joueurs possède peut-être un réseau d’orientation de santé mentale spécifique pour les joueurs souffrant de troubles mentaux.

En plus de services spécifiques au rugby les joueurs peuvent aussi solliciter :

  • Les services publics de santé mentale (en milieu hospitalier et ambulatoire)
  • Les services privés de santé mentale (en milieu hospitalier et ambulatoire)
  • Les services accessibles par le biais de mutuelles de santé

Si vous souhaitez davantage d'informations pour référer votre envoi chez un confrère, l'Institut national d'excellence clinique britannique offre des directives factuelles sur l'évaluation et le traitement des troubles mentaux. nice.org.uk/guidance/conditions-and-diseases/mental-health-and-behavioural-conditions

*Risque pour soi-même ou autrui

Si le joueur déclare avoir des pensées destructrices envers autrui ou lui-même, y compris des pensées suicidaires, il est essentiel d'évaluer si un danger immédiat existe et d'appeler les services d'urgence le cas échéant.

Dans le cas d'idées suicidaires, vous devez demander :

  • Avec quelle fréquence et depuis combien de temps avez-vous des idées suicidaires, et quelle est leur intensité ?
  • Avez-vous planifié la façon de vous suicider ? Si oui, obtenir des informations détaillées sur ce scénario. Par exemple, quand, où, comment, et s'il a la capacité de passer à l'acte.
  • Prenez-vous des drogues ou consommez-vous trop d'alcool ?
  • Avez-vous déjà essayé de vous blesser ou de vous suicider ?
  • Avez-vous parlé à quelqu'un de ce que vous ressentez ?
  • Avez-vous connu des changements significatifs dans votre vie professionnelle, sociale, familiale ?
  • Avez-vous déjà suivi un traitement pour troubles mentaux ou prenez-vous des médicaments ?

Si le joueur déclare avoir des idées suicidaires occasionnelles ou modérées, sans scénario :

  • Demandez au joueur à quelles sources de soutien il a accès (par ex. famille proche, amis), et travaillez avec lui pour élaborer un plan assurant sa sécurité à court terme (par ex. être entouré de personnes le soutenant, appeler des numéros d'urgence en cas d'idées suicidaires, prendre rendez-vous avec un professionnel de la santé mentale).
  • Veillez à un suivi du joueur ou à le faire suivre par un professionnel de la santé mentale.
  • Après la consultation, n’oubliez pas de faire un bilan et faites-vous soutenir vous-même si nécessaire.

Si vous n'êtes pas certain de savoir comment soutenir un joueur qui a des idées suicidaires: appelez les services d'urgence, un service d'écoute concernant le suicide ou un confrère spécialisé en psychiatrie pour conseils et assistance.

N'oubliez pas que les personnes les plus susceptibles de passer à l'acte à court terme sont celles qui :

  • Ont élaboré un scénario spécifique pour se suicider
  • Ont les moyens de concrétiser ce scénario
  • Ont prévu un moment précis pour réaliser ce scénario et
  • Ont l'intention de passer à l'acte

Si un joueur déclare avoir des idées suicidaires fréquentes ou puissantes et/ou un scénario spécifique pour se suicider il est nécessaire d'obtenir l'aide immédiate des services d'urgences ou psychiatriques pour le joueur.

Dans le cas d'idées automutilation, suivez les directrices suivantes : www.nice.org.uk/guidance/cg16/chapter/1-Guidance#the-management-of-self-harm-in-primary-care

Si, sur la base de la discussion avec le joueur, vous craignez qu'il pose un danger immédiat pour autrui, contactez immédiatement la police.

Si vos échanges avec le joueur révèlent des incidents de maltraitance ou de négligence d'enfant, vous devez suivre la législation/les protocoles locaux et/ou nationaux relatifs à la protection et au signalement.